Vitamine B12 : quels risques de carence dans le régime vegan ?

Parmi les nombreuses vitamines du groupe B, l’une d’entre elles est particulièrement à surveiller dans le cadre d’une alimentation végétale : il s’agit de la vitamine B12, ou cobalamine, qui est présente sous une forme assimilable quasi exclusivement dans des produits animaux. Parce que c’est probablement la vitamine cruciale, celle à ne pas oublier dans un régime végane, et que c’est aussi celle sur laquelle on lit le plus d’erreurs, nous allons l’aborder en détail.

RÔLES

La vitamine B12 est essentielle à la formation des globules rouges et au fonctionnement du système nerveux, et elle intervient comme cofacteur dans la synthèse de l’ADN. Elle existe sous plusieurs formes, que ce soit dans l’alimentation ou dans les compléments alimentaires. Toutes seront transformées en méthylcobalamine ou en 5-déoxyadénosyl-cobalamine, les composés actifs intervenant dans la synthèse de l’ADN. Ce processus dépend aussi de la vitamine B9 (folates).

CARENCE

Une carence en vitamine B12 entraîne à long terme une anémie mégaloblastique : les globules rouges sont plus gros et moins nombreux que la normale, et les signes habituels de l’anémie que son la pâleur et l’essoufflement (en particulier à l’effort) apparaissent.

Avec ou sans anémie, une carence en vitamine B12 provoque aussi des troubles neurologiques (notamment avec l’élévation des taux de méthyl-malonyl-CoA [MMA] et d’homocystéine), des dépressions nerveuses et une accélération du déclin cognitif. Elle peut aussi augmenter les risques de maladies cardio-vasculaires.

Cette carence peut évoluer pendant plusieurs années avant d’être décelée et montrer des signes, mais elle peut aussi apparaître parfois après seulement quelques mois de régime végane. On parle alors d’anémie « pernicieuse ».

Notons que l’anémie mégaloblastique peut également être causée par une déficience en vitamine B9. Des suppléments de B9 peuvent masquer l’anémie, mais ils laissent les taux de MMA et d’homocystéine s’élever, et donc les troubles neurologiques se développer1. (…)

 SOURCES ET APPORTS CONSEILLÉS

La vitamine B12 est produite par des micro-organismes, en particulier des bactéries, qui peuvent transmettre cette B12 aux animaux qui sont leurs hôtes. La B12 alimentaire se trouve ainsi quasi exclusivement dans des produits animaux. Elle est presque totalement absente du règne végétal (les rares microalgues et microchampignons pouvant en produire ne sont pas des végétaux).

Si des bactéries intestinales sont capables de la produire pour la transmettre à leurs hôtes, cela ne signifie pas pour autant que dans toutes les espèces animales, cette B12 est disponible pour l’hôte – en particulier chez l’homme. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, la B12 est absorbée dans la fin de l’intestin grêle, et chez l’homme, les rares bactéries produisant de la B12 sont dans le côlon. La B12 produite ne sera donc pas absorbée et sera éliminée dans les selles.

Ainsi, seuls les ruminants – qui ont des étapes particulières de reflux et de fermentation bactérienne longue et dans des poches successives – et les animaux coprophages pourront profiter de cette B12. Chez l’homme, les apports en vitamine B12 devront être assurés par l’alimentation, et les apports journaliers recommandés en France sont officiellement de 2,5 microgrammes par jour (μg/j) – ce qui ne reflète pas forcément les besoins réels, c’est en fait un minimum à assurer.

Les principales sources alimentaires de vitamine B12 sont animales : ce sont essentiellement les viandes, le poisson, les crustacés et fruits de mer, les produits laitiers et les oeufs. Certaines microalgues ou microchampignons contiennent des analogues de la B12 (notamment la spiruline), mais ces formes sont inactives chez l’homme (on parle de pseudo-vitamine B12).

De même, certains aliments fermentés par des bactéries, comme le tempeh, contiendraient de la vitamine B12, mais ces formes auraient une faible affinité pour le facteur intrinsèque et seraient peu absorbées2. Toutefois, des travaux récents visant à produire du tempeh à partir de lupin fermenté par des souches particulières de bactéries sont prometteurs3. Des aliments de ce type seront probablement disponibles sur le marché dans les années à venir, pour le public végane et végétarien. L’algue nori ferait exception dans le monde végétal, et présenterait des quantités intéressantes de B12 (667-674 μg/kg4). Il faudrait néanmoins consommer abondamment et très régulièrement cette algue si l’on se passait totalement d’autres apports, ce qui ne serait pas forcément au goût de tout le monde.

Enfin, de nombreux produits alimentaires végétaux sont aujourd’hui enrichis en vitamine B12 et constituent un apport non négligeable : les jus de soja ou d’autres végétaux (improprement appelés « laits ») des marques Alpro et Flora notamment, certaines crèmes-desserts, certaines céréales du petit déjeuner, certains superaliments (la levure de bière des marques Red Star ou Marigol par exemple)… Ils ne sont pas les plus fréquents sur le marché en France, il faudra donc les repérer en lisant les étiquettes ou les commander sur des boutiques en ligne.

CONCERNANT LA DOSE RECOMMANDÉE ET SON ABSORPTION

Dans l’alimentation, la vitamine B12 est présente sous de multiples formes (hydroxo-, adénosyl-, méthyl-). Dans les compléments alimentaires, on trouve aussi la cyano-cobalamine, forme non naturelle (de synthèse). Ces formes sont complexées à des protéines dans les aliments, et libres dans les compléments alimentaires. Toutes seront converties en méthyl- ou désoxyadénosylcobalamine, formes utilisées comme cofacteurs (formes bioactives). Certains compléments alimentaires font d’ailleurs le choix de ces formes finales.

Il apparaît que l’absorption intestinale de la B12 sature au-delà de 1,5 à 2 μg par repas : sa biodisponibilité devient moins bonne au-delà de cette dose, même si la quantité absorbée continue d’augmenter grâce à l’absorption passive dans la bouche et l’intestin5. Cette absorption serait aussi modulée par les quantités et le type de protéines consommées. Dans la plupart des compléments alimentaires, la B12 est présente sous forme de cyano-cobalamine, parfois de méthyl-cobalamine, ou hydroxo-cobalamine et plus rarement adénosyl-cobalamine. Ces formes ont des avantages et des inconvénients (…). Pour assurer des apports optimums, il semble intéressant de combiner des compléments de méthyl- et d’hydroxo-cobalamine ou d’aédnosyl-cobalamine. Attention toutefois aux excipients et additifs, parfois non véganes, dont certains peuvent être nocifs pour la santé (dioxyde de titane, aspartame, etc). (…)

Les doses recommandées en supplémentation sont assez élevées, classiquement 1 à 2 mg (soit 1 000-2 000 μg) par semaine pour des véganes, et bien souvent en une seule prise. Une étude a toutefois montré qu’une dose de 350 μg par semaine était tout aussi efficace que 2 000 μg pour rétablir des niveaux corrects de B12 en cas de subcarence6. (…)

Il est important de noter que l’excès de B12 n’est pas toxique, et que si la consommation excédait les besoins, l’excédent ne serait tout simplement pas absorbé (cette absorption semble être limitée à une certaine dose par jour). On ciblera la dose en fonction du contexte, en gardant à l’esprit qu’il vaut mieux privilégier une faible dose régulière, si possible quotidienne, plutôt qu’une dose maximale hebdomadaire. Les différences de dosages proposés ici après peuvent surprendre. En fait, la logique n’est pas mathématique, et la dose effectivement absorbée en une fois pour un complément à 5 ou 50 μg est sensiblement la même (1,5 à 2 μg).

↦ Prévention des carences et subcarences8 : 2 μg trois fois par jour ou 50 μg par jour7.

↦ Correction d’une subcarence : 50 μg par jour (soit 350 μg par semaine) sont suffisants (voir ci-dessus, là où les recommandations sont encore de 2 000 μg de B12, une fois par semaine, ou de 5 000 μg de B12, une fois par quinzaine).

↦ Carence sévère : des injections de vitamine B12 en intramusculaire sont parfois envisagées en plus de la supplémentation orale, et des transfusions de sang peuvent même être recommandées en cas d’anémie importante.

DOSAGES RECOMMANDÉS POUR LES ENFANTS VÉGANES

↦ Avant 6 mois : pas de supplémentation dans le cas d’un allaitement au lait maternisé. En cas d’allaitement maternel exclusif : le bébé n’a pas besoin de recevoir de la vitamine B12, sauf en cas de carence ou de subcarence de la mère (un dosage de la B12 chez la mère est recommandé pendant l’allaitement). Dans ce dernier cas, la dose recommandée est de 0,4 à 1 μg par jour selon les situations.

↦ De 6 mois à 3 ans : 1 μg 2 fois par jour ou 5 μg par jour.

↦ De 4 ans à 10 ans : 2 μg 2 fois par jour ou 25 μg par jour.

Extrait du livre « Vegan et en bonne santé », publié aux Éditions Grancher, février 2020. Chapitre 4 « Le point de vue de la naturopathie pour ne manquer de rien ». Auteur Sébastien Place

1 O’Leary, Samir Samman, « Vitamin B12 in Health and Disease », Nutrients, 2/3, mars 2010, p. 299-316 (DOI 10.3390/nu2030299).

2 Ibid

3 Signorini, Aristodemo Carpen, Luigi Coletto et al., « Enhanced Vitamin B12 Production in an Innovative Lupin Tempeh Is Due to Synergic Effects of Rhizopus and Propionibacterium in Cofermentation », International Journal of Food Sciences and Nutrition, juin 2018, 69/4, p. 451-457 (DOI 10.1080/09637486.2017.1386627).

4 Ginés B. Martínez-Hernández, Noelia Castillejo, María M. Carrión-Monteagudo et al., « Nutritional and Bioactive Compounds of Commercialized Algae Powders Used as Food Supplements », Food Science and Technology International, mars 2018, 24/2, p. 172-182 (DOI 10.1177/1082013217740000) ; Fumio Watanabe, Yukinori Yabuta, Tomohiro Bito et al., « Vitamin B12-Containing Plant Food Sources for Vegetarians », Nutrients, mai 2014, 6/5, p. 1861-1873 (DOI 10.3390/nu6051861).

5 Watanabe, Yukinori Yabuta, Tomohiro Bito et al., « Vitamin B12-Containing Plant Food Sources for Vegetarians », art. cit.

6 Cristian Del Bo’, Patrizia Riso, Claudio Gardana et al., « Effect of Two Different Sublingual Dosages of Vitamin B12 on Cobalamin Nutritional Status in Vegans and Vegetarians with a Marginal Deficiency : A Randomized Controlled Trial », Clinical Nutrition, avril 2019, 38/2, p. 575-583 (DOI 10.1016/j.clnu.2018.02.008).

7 « Vegan diets: review of nutritional benefits and risks », 2018, Expert report of the Federal Commission for Nutrition (FCN), Confédération Suisse. https://www.eek.admin.ch/dam/eek/de/dokumente/publikation-und-dokumentation/EEK_vegan_report_final.docx.pdf.download.pdf/ EEK_vegan_report_final.docx.pdf

8 Subcarence : carence bénigne n’entraînant pas le tableau clinique complet de la carence, et pouvant s’accompagner de troubles moins spécifiques (comme la fatigue).

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